Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ) possède une collection unique d’estampes, qui compte à ce jour plus de 30 000 œuvres obtenues par dépôt légal, don et achat. Chaque œuvre est décrite au catalogue de l’institution, en prenant soin d’y indiquer la ou les techniques utilisées par l’artiste, le type de papier, les dimensions de l’œuvre et sa numérotation, s’il y a lieu. Si l’estampe porte un sceau, cette information se retrouve également dans la description.
La présence d’un sceau, en plus d’être consignée au catalogue l’est aussi dans un outil de recherche maison alimenté par les bibliothécaires et techniciennes de BAnQ, tout simplement appelé « le registre des sceaux ». L’objectif de cet outil est de répertorier tous les sceaux présents dans les œuvres imprimées de la collection et de les associer à leur créateur. En effet, si souvent le sceau est facilement identifiable, par exemple, lorsqu’il porte le nom de son créateur, il peut parfois être beaucoup plus difficile à identifier. Des informations importantes sur le contexte de création d’une œuvre peuvent ainsi s’égarer au fil des années, ce qui constitue une perte importante pour la recherche en art imprimé au Québec.
Le sceau en estampe : une tradition
Un « sceau » est défini ainsi dans le dictionnaire Larousse : « Grand cachet (ou matrice) sur lequel sont gravées en creux la figure, les armes ou la marque symbolique d’un État, d’un souverain, d’une communauté ou d’un particulier et dont on applique l’empreinte sur des actes ou des objets pour les authentifier, les clore d’une manière inviolable ou pour marquer la propriété. »1 En estampe, certains artistes s’inspirent de la tradition chinoise, ou celle japonaise du « hanko », sceau couramment utilisé par les particuliers ou les entreprises comme signature officielle.
Dans le Code d’éthique de l’estampe originale, on mentionne que les artistes peuvent apposer leur sceau dans le processus d’identification de leur estampe, en plus du titre, du tirage et de leur signature2. On fait aussi référence à la pratique d’apposition d’un sceau par un imprimeur ou un atelier comme un « droit inaliénable »3. Un éditeur est aussi en droit d’apposer son sceau sur les estampes qu’il édite4.
Dans la collection de BAnQ, les sceaux peuvent avoir été apposés par ces quatre catégories d’entité : les artistes eux-mêmes, les imprimeurs, les ateliers ou les éditeurs. Si certains sont imprimés avec de l’encre, grâce à des tampons confectionnés sur mesure, beaucoup sont imprimés à sec, comme des gaufrages, et sont parfois difficiles à repérer et à photographier.
[1] « Sceau », Larousse, consulté le 30 août 2022, https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/sceau/71345
[2] Malenfant, Nicole et Richard Ste-Marie. Code d’éthique de l’estampe originale, (Montréal : Conseil québécois de l’estampe, 1987), 31.
[3] Code d’éthique de l’estampe originale, 38.
[4] Code d’éthique de l’estampe originale, 40.
Un outil de recherche à développer … et à partager
Si le registre des sceaux existe depuis au moins une dizaine d’années, le projet d’en faire un outil de recherche mieux structuré a fait surface en 2022 à l’initiative de trois bibliothécaires en contact quotidien avec la collection d’estampes. Ce qui était avant un document Word plus ou moins structuré est devenu un site Web à accès restreint facilitant l’ajout et le partage d’informations.
Jusqu’à présent, l’origine de plus d’une vingtaine de sceaux nous est toujours inconnue, malgré de nombreuses démarches. La recherche d’information pouvant nous aider dans l’identification n’est pas toujours évidente, puisqu’il est parfois impossible de rejoindre l’artiste directement. Il faut alors faire appel à d’autres sources, notamment en regardant si les mêmes œuvres sont conservées dans d’autres collections ou en contactant des acteurs du milieu de l’art imprimé ayant une connaissance étendue du domaine et pouvant nous apporter des éléments de réponse. Dans cette optique, nous avons récemment fait appel à Danielle Blouin, artiste et imprimeure d’expérience, qui a pu nous aider avec certaines identifications. Ainsi, nous croyons que l’avenir de cet outil réside dans sa possibilité d’être partagé : la mise en commun d’informations pourra nous aider à combler certains trous tout en devenant un outil de référence intéressant pour d’autres institutions impliquées dans la recherche en art imprimé.
Or cela pose plusieurs défis, notamment la question des droits d’auteurs à laquelle BAnQ est particulièrement sensible. Nous ne détenons pas les droits de diffusion sur ces productions visuelles qui appartiennent à leur créateur, et ne nous ne pouvons pas disposer de leur image comme bon nous semble. Cet aspect particulier exclut malheureusement d’emblée certaines options de partage, notamment tous les produits de la Fondation Wikimedia. C’est pourquoi notre choix s’est arrêté sur un site Web à accès restreint, conçu exclusivement pour fin de recherche et non pour une diffusion plus large, en attendant de trouver une solution plus pérenne et conviviale. Vous seriez intéressés à consulter l’outil ou à participer à notre effort de recherche? Communiquez avec les auteures de ce texte! Il nous fera plaisir d’en discuter avec vous.
CONTRIBUTRICES
Marie-Chantal L’Écuyer-Coelho
Bibliothécaire responsable du traitement documentaire des collections iconographiques et de l’ISNI
Catherine Ratelle-Monemiglio
Bibliothécaire à la direction de la recherche et de la diffusion des collections
Martine Renaud
Bibliothécaire à la direction du dépôt légal et des acquisitions
Bibliothèque et archives nationales du Québec
ŒUVRES CITÉES
« Sceau », Larousse, consulté le 30 août 2022, https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/sceau/71345
Malenfant, Nicole et Richard Ste-Marie. Code d’éthique de l’estampe originale, (Montréal : Conseil québécois de l’estampe, 1987).
IMAGES
1. Sceau de l’atelier Albert Dumouchel, repéré sur l’œuvre Le Roitelet au zoo, Albert Dumouchel, lithographie, 1965. Collection BAnQ. Droit de diffusion : domaine public.
2. Sceau utilisé de 1981 à 2000 par l’Atelier d’estampe de la Sagamie inc. (maintenant Centre SAGAMIE), repéré sur l’œuvre Sans titre, Lyne Girard, sérigraphie, 1987. Collection BAnQ. Droit de diffusion : permission obtenue du détenteur de droits d’auteur.
3. Sceaux inspirés de la tradition chinoise de l’artiste Édouard Lachapelle. Le sceau du haut signifie « l’hôte générant » et celui du bas « mon cœur est chinois ». Repérés sur l’œuvre Fusées (Version “sous-marine”), Édouard Lachapelle, collagraphie, 2004. Collection BAnQ. Droit de diffusion : permission obtenue du détenteur de droits d’auteur.
4. Sceau non-identifié repéré sur l’œuvre Antipodes, la face cachée de la terre, Richard Deschênes, sérigraphie, 1985. Collection BAnQ.